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"Littératures orales du Nord et du Sud de l'Inde"

(Séances animées par M. Daniel Negers)

Approches et postulats

Cette partie du cours se situera dans le prolongement théorique développé par Laurent Maheux. Les séances seront consacrées à une présentation essentiellement descriptive des formes de littérature et de poésie populaire traditionnelles Andhra, sur la base des données de terrain, et dans une perspective ethnographique localisée visant à éclairer d'autre manière les concepts théoriques étudiés dans la première partie du cours.

En premier lieu, cette présentation visera à appréhender ces formes en tant que genres culturels, tels qu'ils peuvent d'abord être perçus du point de vue de la société traditionnelle qui les a engendrés, ainsi que dans la logique d'une identité culturelle propre, pour ce qu'ils signalent du rapport esthétique complexe entre mode de composition verbal stylisé et expression identitaire à fonction sociale et culturelle, à destination de et, dans l'espace public. Nous verrons par exemple que la catégorisation exacte de ces formes pose problème, si on leur applique à priori des catégories pré-établies ou si l'on s'en tient à des critères trop rigides, qui sépareraient artificiellement le domaine de l'expression verbale et celui de l'interprétation gestuelle ou chantée, jusque dans ses aspects costumés. Et, en effet, selon le point de vue choisi, les formes littéraires populaires traditionnelles se caractérisent par des termes différents, selon une logique qui souligne l'assimilation des formes littéraires aux genres d'expression spécifiques dont elles sont le creuset, sinon le fondement. A s'en tenir, par exemple, à leur seul mode de désignation, on les qualifie dans le registre de leur dimension stylistique verbale — janapada sahityam, littérature populaire —, de leur aspect chanté — janapada geyam, chant populaire —, ou selon un angle d'approche plus inclusif — janapada kalarupam, forme artistique populaire.

L'évocation de ces aspects lors des séances à venir montrera que ces termes répondent à un dispositif terminologique moderne et qu'ils tendent à surimposer un type de discours classificatoire (issu du domaine du folklore) ayant pour conséquence d'entraver une perception plus juste des niveaux de réalisation esthétique intégrés à l'organisation culturelle issue de la structure sociale. De ce point de vue, il nous faudra nous interroger sur la notion de genre, et sur les critères applicables à leur distinction, que ce soit en rapport avec la forme de la performance, avec la position des interprètes dans la hiérarchie sociale ou avec la thématique ou le mode de composition du récit poétique. Lorsque nous examinerons la différence de niveau entre l'expression narrative en contexte et le texte de performance, dans des genres variés, nous constaterons qu'il demeure nécessaire de s'interroger sur les éléments de terminologie applicable, en distinguant l'existence de textes de « poésie orale », (d'oralité première) véritable, de la production orale de textes partiellement composés par écrit pour certains, mais entièrement pour d'autres. Cependant, qu'elles s'expriment au sein de cadres de représentation divers ou en modalités de communication dévotionnelles, qu'elles soient interprétées séparément ou intégrées à des ensembles d'expression narrative, plastique ou théâtrale, les formes de poésie populaire traditionnelles participent à un système culturel d'ensemble. Celui-ci est lui-même façonné par la forme particulière de la structure sociale, dans le contexte de la société des castes, du modèle religieux hindou dominant et d'une civilisation fortement conditionnée par la prédominance de la transmission orale des formes du savoir, de la connaissance et de la culture. Si ces genres diversifiés reflètent, chacun différemment, un rapport donné à la société locale, variable selon les genres et les contextes, les fondements qui nourrissent l'existence d'une oralité florissante des formes chantées de la poésie (modalités de composition, de transmission et de diffusion), l'intercomplémentarité de ces formes, ainsi que leur fonction profonde, semblent ressortir d'une valeur anthropologique de type culturel propre à la civilisation indienne, et que l'on présentera ici dans ces particularismes Andhra.


Programme des séances

Une brève description de la géographie de l'Andhra Pradesh nous permettra de situer une délimitation culturelle, sociale et politique nette des aires de diffusion des formes littéraires narratives et théâtrales populaires traditionnelles distinctes selon les régions. Nous y repérerons plus particulièrement le domaine de l'Andhra côtier Nord, comme source d'information contextuelle pour mettre en valeur les modalités d'existence des formes artistiques, de faits littéraires et de répertoires d'une localité et de sa micro-région. Cette présentation générale des formes poétiques populaires dans leur contexte régional sera complétée par un rappel historique tout aussi succinct de l'évolution des formes et des genres littéraires narratifs et théâtraux, aux XIXè et XXè siècles notamment. Nous verrons ainsi comment des déterminants culturels, sociaux et politico-idéologiques ont pu tenir une place essentielle dans l'évolution des formes et des contenus des genres populaires.

Aires de diffusion des genres et des répertoires

Identités culturelles associées au choix des récits du répertoire

Nous décrirons les phénomènes qui caractérisent la réalité contextuelle des genres littéraires populaires et des formes artistiques auxquelles ils correspondent ou sont rattachés dans le système socio-culturel d'une localité particulière. Dans ce cadre, nous nous attacherons plus particulièrement à présenter le contexte social dans lequel s'inscrivent ces genres, à la fois dans la structure ethno-sociale d'ensemble (société et territoire) et dans des caractéristiques spécifiques, qu'il s'agisse de la position sociologique des interprètes, des contextes d'interprétation (très variés) des genres — au sein de calendriers sociaux et religieux parallèles, ou de la hiérarchisation des performances. Subsidiairement, il conviendra de mettre en évidence l'évolution des mentalités de ces trois dernières décades quant au statut accordé à l'expression des formes artistiques associées à la performance textuelle.

Sociologie des Interprètes; contexte et statut des genres qu'ils interprètent.

Chronologie calendaire des performances, distribution spatiale locale et chronologie ponctuelle des « programmes culturels » lors d'un « événement » (fête religieuse ou célébration culturelle artistique).

Nous examinerons la structure de performance et des éléments détaillés des caractéristiques scéniques de plusieurs genres de poésie narrative populaire (jamukulakatha, jangamkatha, harikatha, burrakatha), tout en les contrastant avec des formes populaires plus théâtralisées (venkannababupata) ou véritablement théâtrales. Cette approche comparée accordera un accent tout particulier à un genre littéraire populaire, le burrakatha, qui s'est constitué autour des années 1940 en empruntant ses formes prosodiques, chantées et scéniques à un ensemble de formes artistiques régionales, liées à la littérature écrite savante ou de poésie purement orale.

Après avoir évoqué diverses modalités de transmission et de composition des récits, la séance sera consacrée à l'examen comparé des registres verbaux, des modes de composition prosodiques du burrakatha et de types issus de la poésie orale. Ce sera l'occasion de faire un rappel comparé des thématiques et des répertoires de plusieurs genres.

Répertoires; thématiques; processus de transmission et modes de composition de formes traditionnelles à l'époque contemporaine.


Bibliographie

Bibliographie (Document PDF)